Quand on veut faire de la couture un métier il est primordial d'avoir une solide formation. Celle-ci peut se commencer dès la fin du collège et se poursuivre plusieurs années après le bac. Dans cet article nous ferons un zoom sur certains CAP recherchés notamment par les maisons de haute couture. Une rencontre passionnante au lycée Turquetil de Paris.
Lorsque nous avons rencontré Monsieur Soreil (le proviseur) Madame Ruchay (enseignante) et ses élèves de la classe "Vêtements de peau" du lycée Turquetil, l'établissement bruissait d'effervescence à quelques jours des défilés de la fashion week parisienne. En face de la salle de classe atelier de Madame Ruchay, travaillait le créateur japonais Yuima Nakazato. Accueilli au lycée pour mettre la touche finale à son défilé, le créateur profitait des infrastructures du lycée pour faire les essayages de ses modèles sur ses mannequins, recréer le pré-défilé et faire ses dernières mises au point avant sa présentation à la presse internationale. Une longue nuit de travail l'attendait, mais comme le soulignait Monsieur Soreil "cela fait partie de la dynamique de l'établissement". Nul doute que ce styliste formé à l'Académie Royale des beaux arts d'Anvers, appréciait cette bienveillance envers son travail. Les élèves volontaires du CAP "Vêtements de peaux" ont pu travailler avec lui pour finaliser le défilé. Une expérience certainement inoubliable !
De l'autre côté du couloir, dans l'atelier de Madame Ruchay, les élèves s'affairaient sur leur projet personnel avec calme et précision, venant demander un conseil au professeur ou lui montrer l'avancée de leur travail.
Une formation à l'excellence
Situé en plein cœur de Paris, dans un passage du 11ème arrondissement, le lycée Turquetil est un établissement public. C'est l'un des sites du lycée de la mode et de l'élégance qui fait également partie du GRETA de la création, du design et des métiers d'art (pour les formations pour adultes).
Ici on accueille des élèves qui souhaitent préparer un CAP. En l'occurrence pour la classe que nous avons visitée, il s'agit d'un CAP "Vêtement de peaux" mais le lycée prépare aussi au CAP "Fourrure" et "Couture flou". Si l'élève est en formation initiale (c'est à dire qu'il sort en général du collège) le CAP se prépare en deux ans. D'autres sont déjà diplômés (BTS, Bachelor, etc.) et viennent se former en un an sur la couture spécifique des vêtements de peaux. Ils peuvent alors préparer ce CAP en un an. Dans le métier, on appelle cela une classe "Charlotte" qui permet de se passer des cours généraux.
Ce sont des classes de 10 à 12 élèves au maximum, regroupant les formations en un ou deux ans, et parfois même un ou deux élèves du GRETA. Les diplômés qui sortent d'ici travaillent par la suite dans les maisons de luxe avec un meilleur salaire à l'embauche. Ces CAP "Vêtement de peau" "Fourrure" et "Maroquinerie" correspondent aux besoins de l'industrie du luxe.
Coudre le cuir, des techniques bien particulières
Pour intéresser ses élèves Madame Ruchay a mis au point une pédagogie qui leur permet de prendre très vite du plaisir. Après quelques essais pour maîtriser les machines, elle remarque qui a l'œil précis et quels sont les points forts de chacun. Elle essaye alors de mettre en valeur ce que les jeunes savent bien faire et leur demande de s'entraîner sur quelque chose qu'ils ne maîtrisent pas encore.
En début de cursus ils feront tous le même produit. Un coussin (en cuir) dans lequel il y aura toutes les techniques qu'ils approfondiront au cours de l'année. Ils apprendront ainsi les règles du placement (une peau étant un produit différent d'un animal à l'autre et susceptible d'avoir des défauts) et du patronage. Ce dernier ne ressemble en rien au patronage sur tissu avec des notions d'assemblage spécifique, de gainage, de renforts nécessaires à certains endroits. Ils apprendront également à thermo coller, coller, faire des surpiqûres à différentes distances. Mais aussi à réaliser des fiches "produit" et à faire un peu de comptabilité pour savoir à quel prix revient le vêtement. Les élèves doivent savoir comment faire un placement optimal parce que la peau coûte cher.
Des cuirs haut de gamme
Même au lycée, les élèves apprennent sur des cuirs haut de gamme, aussi est-il très important de savoir bien placer les différentes pièces du patron. Au cours de notre entretien, le proviseur, Monsieur Soreil, nous apprendra qu'un bon "coupeur" touche un salaire d'environ 5000€ en milieu de carrière.
"Nous essayons de pousser nos élèves vers la perfection. Aujourd'hui ils sont capables de voir les défauts qu'il y a dans le prêt à porter et font la différence avec les techniques que nous leur apprenons. Chaque étape est validée par le professeur avant que l'élève passe à la suivante" nous confie Katryn Ruchay. "Mais ils sont tellement passionnés que nous avons du mal à les faire partir en pause. Il y a une très bonne entente, ils sont très gentils entre eux et chacun se soutient." Quand la bienveillance rime avec l'exigence, cela fait toute la différence…
Des échanges à l'international
Madame Ruchay est responsable des échanges internationaux Erasmus et, chaque année, certains de ses élèves poursuivent leur parcours à l'étranger. Rome, Berlin, Barcelone, Düsseldorf, Porto, mais aussi Séoul. En décembre 2017, elle a organisé un défilé à Rome dans le cadre d'Erasmus et a accueilli une quinzaine de jeunes coréens. Un partenariat très apprécié mutuellement. C'est ainsi que sa classe a intégré une jeune étudiante coréenne déjà diplômée de la Séoul Design High School, venue apprendre des choses précises durant cette année en France.
Vous l'aurez compris à la lecture de cet article, le lycée Turquetil forme d'excellents artisans dont le secteur du luxe aura de plus en plus besoin. Des métiers qui ont du sens et qui font aussi partie des métiers de reconversion pour des adultes en recherche de métiers manuels.
Crédit photos : Katryn Ruchay, Lycée Turquetil et Nathalie Delimard